J’ai étudié la philosophie dans le but précis de devenir prof de philo. Non pas que cette discipline soit une discipline secondaire, voie de garage (bien au contraire), mais, très tôt, j’ai compris que la philosophie allait me permettre de devenir le prof que j’aspirais à devenir : un prof soucieux de la qualité de la relation pédagogique qu’il entretient avec ses élèves, un prof qui leur donne envie d’apprendre par l’enthousiasme qui l’anime pour sa matière.
Aujourd’hui, face aux nombreuses ressources disponibles sur Internet, chaque enseignant doit s’interroger sur la « plus-value » de son enseignement. On a accès à de très bons résumés d’ouvrages sur SparkNotes ou on peut regarder des séquences vidéo très instructives sur YouTube. Quelle est la valeur spécifique d’un enseignant par rapport aux informations qu’on trouve à portée de clic ? Selon moi, tout repose sur la dimension relationnelle et humaine du métier d’enseignant. Je sais que je ne suis pas indispensable à la réalité de mes élèves : mes cours sont peut-être intéressants, mais leur vie à eux l’est bien davantage à leurs yeux. Je m’efforce donc de leur accorder mon attention, de leur réserver dans mes cours une place pour qu’ils expriment leurs opinions, leurs réflexions ou leurs préoccupations.
Mon enseignement est très participatif, très orienté sur la discussion et le débat. Je leur fais comprendre que nous faisons partie de la même équipe, que j’apprends autant d’eux qu’ils apprennent de moi. Je suis attaché à leur exposer une conception pratique de la philosophie, c’est pourquoi je privilégie les questions éthiques. Mon enseignement est davantage thématique qu’historique : je traite des questions aussi larges que l’amour, l’amitié, la justice ou la vérité. Je les aborde non seulement à partir des textes classiques, mais aussi à partir de vidéos, de séries, de BD ou de films. Pour moi, la philosophie doit fournir des outils utiles à la bonne conduite de l’existence.
Je suis très soucieux d’installer une bonne ambiance de classe. Je commence tous mes cours en invitant mes élèves à un bref moment de méditation. Je lance de la musique calme, et je leur demande d’enfouir la tête entre les bras, les yeux fermés. Pendant trois à quatre minutes, ils peuvent faire le vide dans leur esprit ou réfléchir à ce qu’ils veulent. Cette pratique a un effet très positif sur le déroulement du cours. Comme je sollicite très souvent la participation de mes élèves, je donne aussi à chacun le droit de me dire au début d’un cours qu’il « n’est pas là aujourd’hui », c’est-à-dire de me faire savoir sans donner d’explication qu’il n’a pas envie d’intervenir en classe. Je nous accorde également la possibilité d’« ouvrir des parenthèses », de nous laisser aller à des digressions. Tous les élèves peuvent sortir pour aller aux toilettes quand ils le veulent : ils n’ont pas à demander ma permission. Je ne souhaite pas imposer mon autorité de façon arbitraire : elle doit découler de la qualité de mon enseignement. Je ne dis pas que nous sommes sur un pied d’égalité – je reste l’expert dans ma matière –, mais je fonde nos relations sur le respect et la bienveillance.
J’ai eu alors pour projet de faire ma quatrième année de maturité professionnelle dans une crèche privée à Sion, dans la perspective d’intégrer une HES. Mais ne me voyant finalement pas occuper un métier dans la santé ou le social, je suis parti deux semaines avant la fin du stage.
J’ai travaillé ensuite 8 mois dans un magasin de luxe, Moncler, comme vendeur d’habits. J’ai adoré ce poste, dans lequel je vois des points communs avec la fonction d’enseignant que j’occupe actuellement : un métier relationnel où le rapport de confiance est fondamental et où il est nécessaire de montrer son meilleur visage, avec sincérité et authenticité.
À cette époque, je rêvais de l’université comme d’un lieu idéal de savoir. Je parlais souvent à ma copine de mon rêve de devenir prof de philo. J’aspirais à être le prof que j’aurais voulu avoir à l’école. Mes parents et ma copine m’ont encouragé à réaliser mon ambition. Après avoir obtenu une bourse de l’État du Valais, je me suis préparé à l’examen préalable de la Faculté des lettres pendant une année à l’école PrEP. Tous les jours, je faisais l’aller et retour entre Crans-Montana et Lausanne : ça me prenait 4h50 au total. Malgré ces conditions éprouvantes, j’ai réussi l’examen d’admission en Lettres à l’été 2013.