21 mars 2018
Pourquoi exercer la fonction de doyen dans une faculté de biologie et de médecine? La ou les réponses sont au carrefour des destins particuliers, mêlant opportunités, timing, la volonté d’apporter un service utile à la communauté, et sans doute une part d’ambitions personnelles, d’ego. En abordant un deuxième mandat, on aspire aussi à poursuivre les développements en cours.
La fonction de doyen est lourde, exigeante, mais passionnante. Il faut connaître les réalités académique et hospitalière, être versé dans les ressources humaines, dans la gestion de conflit, maîtriser les aspects budgétaires, prendre en compte les données politiques, arbitrer aspirations personnelles et intérêt collectif et surtout accepter la diversité des buts et des valeurs.
Car la FBM est à la fois une construction naturelle et contre-nature: faculté «au cœur du vivant», elle mélange des scientifiques fondamentaux (dans tous les domaines du vivant), des cliniciens (allant des chirurgiens en passant par les internistes, sans oublier les psychiatres) et des infirmières (volontairement au féminin). Les premiers sont centrés sur la connaissance et sa transmission, tandis que les suivants y allient le soin: mélange des valeurs, des carrières, des critères académiques.
Et contrairement au théâtre classique, la FBM ne connaît pas d’unité de temps, d’action et de lieu: elle agit dans l’urgence dans sa section des sciences cliniques; son action évolue continuellement face aux exigences sanitaires, elle doit s’adapter en permanence aux nouvelles techniques de soin; tandis qu’elle est dans la continuité des projets de recherche dans sa section des sciences fondamentales, dans l’espace expérimental, «hors temps», du labo. De plus, la FBM se déploie sur quatre sites (on oublie systématiquement le site de Cery!) et tisse des liens avec des partenaires nationaux et internationaux.
La FBM est une goélette qui navigue de conserve avec deux grands navires: le CHUV et l’UNIL. L’un est un paquebot, l’autre un porte-avions. Tout se passe normalement, sauf quand les avions veulent se poser en urgence sur le paquebot: deux plans stratégiques, deux liens étatiques différents, deux systèmes informatiques différents, deux référentiels de ressources humaines, deux systèmes de valeurs…
Cet équilibre entre deux puissances dépend de leurs dirigeants et de leurs valeurs communes. C’est une force, c’est un risque. Le capitaine de la goélette est régulièrement invité à la table des deux amiraux: il siège au Comité de Direction (CoDir) du CHUV, il est membre du Collège des doyens de l’UNIL (DiDo) et siège au sein de l’organe qui coordonne le tout, le Conseil de Direction UNIL-CHUV (CDir). Ce triptyque CHUV-UNIL-FBM est rempli de codes, de secrets, mais aussi de possibilités: il faut apprendre à les connaître afin que le décanat ne soit pas un simple porteur de valises, mais bien une force de proposition.
L’apprentissage du métier de doyen n’est pas une sinécure. Lorsque les arcanes du pouvoir s’ouvrent à la compréhension du néophyte, le système veut que son mandat se termine et que la position soit ouverte. Un mandat de trois ans est, dans ce contexte, relativement court; il a l’avantage de permettre une remise en question démocratique, il a le désavantage que celui qui a semé ne puisse pas récolter ce qu’il a cultivé.
Mes bientôt trois années de fonction en tant que doyen m’ont appris beaucoup de choses. Le «débutant» que j’étais il y a 3 ans était rempli d’une forme de naïveté et d’inconscience. En effet, endosser le rôle de doyen, c’est pratiquer un nouveau métier pour lequel la préparation professionnelle est somme toute assez sommaire. Même si on peut se prévaloir d’une formation indirecte à la fonction — dans mon cas, j’avais dirigé un service et exercé les fonctions de vice-doyen et de directeur médical —, on se rend vite compte que la diversité des problèmes abordés nous enferme dans des cercles d’incompétences qu’il s’agit de dépasser. Ce dépassement est possible si quelques conditions préalables sont remplies: pouvoir s’appuyer sur une équipe administrative forte et efficace, pouvoir établir des relations de confiance avec la Direction générale du CHUV et la Direction de l’Université, pouvoir s’appuyer sur les présidences du collège des chefs de service et de la section des sciences fondamentales. Cependant, rien n’est possible sans la construction d’une équipe décanale avec des rôles clairement définis et un mode de fonctionnement basé sur la confiance et le respect mutuels.
Le 27 février, le Conseil de Faculté m’a renouvelé sa confiance, une décision entérinée le 14 mars par le Conseil UNIL-CHUV. Le 20, hier, c’était au tour des vice-Doyens d’être reconduits par le CF. C’est un honneur dont il faudra se montrer digne. L’équipe décanale fera son possible pour assurer la continuité et développer la FBM: elle se mettra au service de la communauté académique CHUV-UNIL. Dans ce contexte, un plan de développement 2018-2021 sera finalisé et présenté à nos autorités. Une synthèse de la stratégie et des objectifs fera l’objet d’un prochain billet.
Jean-Daniel Tissot, Doyen FBM